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Chicago, le 27 avril 2016, à l’Alliance française : Mme Isabelle David, directrice de l’Ecole Franco-Américaine de Chicago (EFAC
) et Directrice Exécutive Pédagogique MDFDE/Midwest-Chicago, avec l’Académicien Andréï Makine. isabellevdavid | May 2, 2016 at 5:06 pm | URL: http://wp.me/p2RRhI-vs https://surunlivreperchee.wordpress.com/

 

Isabelle David

 

Cette littérature qu’on oublie d’aimer….

by isabellevdavid

Une belle semaine culturelle à Chicago avec la venue notamment de l’écrivain français d’origine russe Andréï Makine qui s’est prêté à plusieurs entretiens dans les universités de Notre Dame et UIC, dans quelques librairies ainsi qu’à l’Alliance Française.

Mercredi 27 avril l’Alliance Française de Chicago offrait donc une pause déjeuner atypique et littéraire devant une audience subjuguée.

Questionné sur ses pseudonymes, sur le concept d’identité, sur le rôle de l’écriture, du style et de la mémoire, sur l’amour et la beauté, la francité et la russité, enfin sur l’éternité ou l’immortalité, l’auteur s’est prêté au jeu des questions-réponses et nous a fait voyagé dans son œuvre, riche de vingt ouvrages (seize sous le nom d’Andreï Makine et quatre sous celui de Gabriel Osmonde).

On retiendra une voix forte aux « r » envoûtants et beaucoup de cohérence, celle d’un homme face à ses écrits et ses idées.

Lire Makine/Osmonde, c’est entrer dans un univers où les mots possèdent des vertus magiques, ils décantent la mémoire, la transfigurent, ils transcendent le temps, l’espace et les cultures, ils préservent la vie dans ses brefs moments d’éternité; enfin et surtout lire Makine, c’est toucher de près l’humain, dans sa fragilité et sa force, dans ses contradictions, sa complexité et aussi sa beauté.

Ecole Franco-Américaine de Chicago – EFAC


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https://www.francaisdeletranger.org/blog/mdfdeusa-mme-isabelle-david-nommee-directrice-executive-pedagogique-mdfdemidwest-chicago/

https://www.francaisdeletranger.org/en/2015/08/20/mdfdeusa-ms-isabelle-david-named-executive-director-of-education-mdfdemidwest-chicago/

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L’écrivain d’origine russe Andreï Makine entre à l’Académie française

Le Monde.fr | • Mis à jour le | Par Raphaëlle Leyris

L'écrivain Andreï Makine pose sur le plateau de l'émission "Vol de nuit" de TF1, à la Maison de la radio à Paris, en février 2003.

Andreï Makine, immortel. L’écrivain a été élu à l’Académie française, jeudi 3 mars, dès le premier tour, par 15 voix sur 26 votants. Il succède à Assia Djebar, morte en 2015, au fauteuil n° 5. C’est un amoureux fou de la langue française qui fera son entrée sous la Coupole, lui qui, né en Russie, à Krasnoïarsk (Sibérie), en 1957, a été naturalisé français en 1996. Le français est la langue de sa grand-mère, Charlotte, qui la lui apprend, et lui transmet l’amour d’un pays et d’une littérature à laquelle il consacrera sa thèse, effectuée à l’université de Moscou.

« J’ai rêvé trop longtemps de la France pour ne pas en avoir une vision littéraire », expliquera celui qui, arrivé clandestinement à Paris en 1987, découvrira « l’inévitable syndrôme qui frappe tout étranger épris de la France : pays rêvé, pays présent ». Il s’installe dans le quartier de Belleville, vivote en donnant des cours sur la stylistique et la littérature russe à Normale sup et Sciences po, rédige une thèse sur Ivan Bounine à la Sorbonne.

« Le désespoir permanent »

Il écrit aussi, mais ne reçoit que des lettres de refus. « C’étaient les années folles, le désespoir permanent », expliquera-t-il au Monde en 1995. Poursuivant : « J’ai tout fait, tout, pour être publié. Je me suis appelé de tous les noms, j’ai changé plusieurs fois les titres, les premières pages, et j’essayais encore, je renvoyais mes textes. » Il finira par parvenir à ses fins en écrivant « traduit du russe par Albert Lemonnier » (nom de famille de ses arrières-grands-parents français) sur la couverture de La Fille d’un héros de l’union soviétique, que Robert Laffont publie en 1990. Deux ans plus tard, il recourt au même subterfuge pour La Confession d’un porte-drapeau déchu (Belfond).

Il révèle le stratagème dans Le Testament français, son quatrième roman (Mercure de France, 1995), somptueuse déclaration d’amour à un pays et une langue récompensée par les prix Goncourt et Médicis et vendue à 1 million d’exemplaires. Le public s’enthousiasme pour le livre autant que pour cet écrivain barbu comme un auteur russe se doit de l’être selon l’imagerie populaire, exilé, solitaire (il s’est construit une cabane dans la forêt des Landes), propulsé sur le devant de la scène littéraire après des années passées à accumuler les lettres de refus d’éditeur.

Contre « le petit roman à la française »

L’exil, les purges, les camps staliniens hantent son œuvre qu’il continue de construire dans un français à la facture résolument classique – Le Crime d’Olga Arbélina, 1998, Requiem pour l’Est, 2000, La Musique d’une vie, 2000, La Femme qui attendait, 2004, Le Livre bref des amours éternelles, 2011, Une femme aimée, 2013… Il écrit également quatre livres sous le nom de Gabriel Osmonde (Le Voyage d’une femme qui n’avait plus peur de vieillir ; Les 20 000 femmes de la vie d’un homme, L’Œuvre de l’amour et Alternaissance) ; en 2011, il reconnaît avoir eu recours à ce pseudonyme.

Avec les années, son amour de la France se teinte d’une inquiétude pour ce qu’il pense qu’elle devient, et sa littérature avec elle : en 2006, il publie ainsi Cette France qu’on oublie d’aimer. Trois ans plus tard, dans La Vie d’un homme inconnu (Seuil), son personnage dit sa détestation des « écrivains larbins qui flattent l’égo des bofs et des bobos », et du « petit roman à la française, cent pages de coucheries et de déprimes parisiennes ».

La reconnaissance dont jouit son œuvre faisait d’Andreï Makine le candidat le plus sérieux pour succéder à Assia Djebar. Début février, lorsqu’il a annoncé sa candidature, Frédéric Mitterrand et Jean-Claude Perrier avaient retiré la leur.

Lien : http://www.lemonde.fr/culture/article/2016/03/03/andrei-makine-elu-a-l-academie-francaise_4876177_3246.html

Andreï Makine : Biographie

 

Né en Sibérie en 1957, enfance et adolescence dans un orphelinat sibérien (parents disparus, probablement déportés). Bien qu’ayant eu une scolarité erratique, brillant élève de philosophie et de français qu’il étudie depuis l’école primaire. Boursier, rédige une thèse de doctorat sur la littérature française à l’Université de Moscou. À 30 ans, s’installe à Paris, professeur de russe, dépose une thèse de doctorat sur Ivan Bounine à la Sorbonne. Premier roman La Fille d’un héros de l’Union soviétique (1990). Choisit le français comme langue scripturale. Prix Goncourt, Prix Médicis, Prix Goncourt des Lycéens 1995 (Le Testament français) ; Prix Eeva Joenpelto (Finlande) 1988 (Le Testament français); Prix RTL-Lire 2001 (La Musique d’une vie); Prix de la Fondation Prince Pierre de Monaco 2005 (pour l’ensemble de son œuvre); Prix Lanterna Magica du Meilleur Roman Adaptable à l’Ecran 2005 (La Femme qui attendait). Vit actuellement à Paris mais se tient, autant que possible, à l’écart de la vie littéraire, se consacre entièrement à la littérature. L’obtention du Goncourt lui valut, entre autres, la nationalité française préalablement refusée.

Les romans d’Andreï Makine, le benjamin des Goncourt franco-russes, recèlent une subtile intertextualité aux littératures, histoires et cultures russe et française, doublée d’une érudition pleine de compassion pour la nature humaine. De nombreux écrivains russes ont choisi d’écrire en français. En cela, Andreï Makine n’est pas une exception. En outre, il ne rompt pas complètement avec sa langue maternelle à son arrivée en France. En témoignent sa thèse sur Ivan Bounine et les cours de russe donnés avant qu’il se consacre entièrement à la littérature. La composante première de son œuvre est de donner la parole à ceux qui en étaient dépourvus, les habitants de l’ancienne URSS. Bien que relaté en français, une grande partie de l’univers makinien se situe en Russie. Dans sa thèse de doctorat, l’auteur décrit comme une antinomie « significative pour la pensée esthétique et philosophique russe » (La Prose de I. A. Bounine) les concepts du « byt » et du « bytié ». Le premier serait « le vécu, le quotidien, les us et coutumes, l’ensemble des conventions socio-psychologiques, le cadre socio-psychologique de l’existence. Le “bytié” signifiera dans cette perspective terminologique, le dépassement du “byt”, le retour à l’univers perçu dans son état extra fonctionnel ». L’une des constantes de la poétique de Makine est donc son caractère antinomique, fréquemment illustré par une scission entre le quotidien et son dépassement, voire par une inversion de la problématique. C’est en accentuant cette antinomie que Makine écrit ses romans et fait vivre ses héros : inversion de la problématique de l’exil et de l’identité dans Le Testament français, où le jeune narrateur se sent étranger dans son pays natal et a la nostalgie de la France pourtant inconnue. Présence de Françaises exilées en Russie : Charlotte Lemonnier dans le Testament français, Alexandra dans La Terre et le ciel de Jacques Dorme. Inversion de la problématique de l’inceste dans Le Crime d’Olga Arbélina, où l’enfant abuse de l’adulte. Inversion de la problématique de la guerre et de la paix et de la notion de héros dans La Fille d’un héros de l’Union soviétique où le héros est un anti-héros puisque le personnage principal est le père et non la fille (bien que ce soit par les agissements de cette dernière que l’inversion finale a lieu). C’est donc par le biais de l’inversion qui délimite de manière plus aiguë la problématique abordée, que les personnages se meuvent dans l’ « entre-deux-mondes », interstice entre deux cultures, deux visions, deux identités parfois comme Alexeï Berg dans La Musique d’une vie.

Ainsi, plusieurs romans thématisent l’exil, la migration et le bilinguisme qui en découle, un bilinguisme dans lequel s’insèrent le conflit entre la mémoire collective et la mémoire individuelle d’une part, thème récurrent de l’œuvre makinienne et, d’autre part, la contradiction entre les mémoires collectives française et russe, démontrant par là leur caractère construit. Ce phénomène est particulièrement visible dans les descriptions de films insérées dans La Fille d’un héros de l’Union soviétique et L’Amour humain. Makine réalise ainsi une critique sociale, une satire à l’aide de  moyens littéraires économiques et efficaces d’où sont bannis les grands développements théoriques. Il évite ainsi la stagnation de la narration qui serait propre au roman à thèse. Un autre atout majeur de Makine est d’avoir engagé une transversalité des arts par-delà la délimitation trop rigide des frontières généralement admises au moyen de l’ekphrasis (description détaillée d’une œuvre d’art) sous laquelle perce l’ironie.

Chez Makine, le bilinguisme, voire le plurilinguisme, et la double appartenance culturelle se manifestent majoritairement au niveau des personnages, chacun d’eux ne manipulant traditionnellement qu’un seul registre linguistique. C’est le cas dans La Femme qui attendait où Otar délivre des histoires salaces dans un langage cru alors que le narrateur s’exprime dans un langage soigné et intellectuel, si bien que la divergence linguistique souligne la différence des caractères. Dans Le Testament français, l’auteur soulève la question de la double appartenance culturelle et évoque la manière dont le narrateur devient conscient de porter en lui une greffe française qui l’empêche de se conformer à son environnement russe. Ne pouvant s’amputer de cette part de soi tout en étant incapable d’être soi-même, il refuse sa double identité. À l’âge adulte, le narrateur émigrera en France et jettera un regard sur son passé russe. Sa double appartenance lui permettra ce retour en arrière où la France  – dans sa réalité quotidienne – occultera cette France rêvée d’alors. À l’inverse, dans La Vie d’un homme inconnu, le narrateur Choutov, écrivain russe émigré en France, intellectuel blasé et blessé par le politiquement correct, découvrira lors d’un retour à Saint-Pétersbourg, après vingt ans vécus à Paris, que la Russie qu’il a connue a disparu

En ce qui concerne la thématique de la migration au sens propre du terme, le narrateur est un émigré assumé dans plusieurs romans (Confession d’un porte-drapeau déchuLa Vie d’un homme inconnuAu temps du fleuve AmourLa Musique d’une vieRequiem pour l’Est) tandis que dans Le Testament français, le processus d’acculturation et de déculturation se déroule dans le pays natal du narrateur, la Russie qu’il n’a encore jamais quittée. L’émigration et l’exil sont ordinairement mis en scène comme l’unique moyen de subsistance, le social et le politique jouant un rôle déterminant et l’histoire celui d’un personnage à part entière que l’on subit ou fuit. Le cas typique est celui d’Olga dans Le Crime d’Olga Arbélina fuyant la Révolution. De fait, presque tous les narrateurs makiniens sont des émigrés et le va-et-vient entre deux cultures ou langues s’articule subséquemment dans le passage de l’une à l’autre tout en transcendant l’une et l’autre grâce à des changements de perspective. Pour ce faire, Andreï Makine se sert en grande partie de descriptions de photographies, de films, de moments musicaux, mais aussi de commentaires de personnages bilingues – comme ceux de Charlotte sur les mérites respectifs de différentes traductions de Baudelaire. De plus, ces descriptions sont majoritairement des lieux de focalisation où se joignent les liens interculturels franco-russes. Dans Le Testament français, les photos de la visite du Tsar en France en fournissent un bel exemple. Dans Au temps du fleuve Amour, trois adolescents apprennent le français grâce à des films de Belmondo. La projection cinématographique a ceci de particulier que la synchronisation s’y effectue sans effacer la langue première mais en s’y superposant. Le film lui-même devient bilingue et fournit la traduction simultanée des dialogues, la version originale restant audible sous le russe. Le narrateur explique ainsi le processus d’apprentissage de la langue « Le français pénétra en nous par imprégnation, sans grammaire ni explication. Nous copions ses sons d’abord comme des perroquets, par la suite comme des enfants ». Avec les descriptions musicales, Makine accentue enfin non seulement les enjeux esthétiques de l’écriture, mais aussi les enjeux éthiques et politiques respectifs, la musique étant un instrument de fascination politique des masses. Ceci apparaît lors de l’analyse des couplets enchâssés dans la plupart des romans, mais aussi dans La Femme qui attendait où le chœur des vieilles femmes souligne la situation engendrée par les guerres.

Au niveau de la signification des mots, tout un imaginaire culturel s’offre au narrateur du Testament. Le mot « tsar » se prononce d’une manière légèrement divergente dans les deux langues mais reste phonétiquement reconnaissable. Cette différence est mise en lumière par l’emploi de deux alphabets dans le roman. L’un, cyrillique, exprime, pour le jeune narrateur, la manière dont Nicolas II est présenté par la propagande soviétique. L’autre, latin, représente la vision transmise par sa grand-mère. Un autre exemple de l’imbrication de deux langages reflétant chacun un imaginaire culturel distinct et prêtant par là à confusion est fourni dans le roman Au temps du fleuve Amour : Outkine et Samouraï se disputent à propos de la prononciation de « Belmondo » –  Bel-mon-do ou Bel-mon-do. Et le narrateur, décontenancé par le [o] final, indication du genre neutre en russe, s’interroge : s’agit-il d’un homme ou d’une femme. Même constat lors de l’emploi du mot « village » dans Le Testament français. Alors que Charlotte répète : « Oh ! Neuilly à l’époque, était un simple village », le seul village que le narrateur connaisse est Saranza, formé par des isbas russes. Pour l’enfant, Neuilly se transforme ainsi en un village de cabanes en bois où Marcel Proust se promène dans les allées de sable en tenue de tennis. Makine joue donc avec deux langages sociaux distincts, imbriqués, et qui donnent naissance au jet scriptural, et il recourt – pour citer Bakhtine – « aux deux langages pour ne pas remettre entièrement ses intentions à aucun des deux ». Dans Le Crime d’Olga Arbélina, il est question de l’orthographe lorsque le gardien du cimetière commente l’inscription d’une dalle mortuaire : « Elle résiste bien au temps cette faute. Officier de cavallerie. Avec deux l. Heureusement, tout le monde ne lit pas les caractères cyrilliques ». Alors qu’avec khotite tchayou écrit en caractères cyrilliques, le bilinguisme du lecteur est mis à contribution. En effet, le lecteur parlant russe pourra sans mal lire et comprendre le sens de la phrase. De même, dans La Fille d’un héros de l’Union soviétique, des mots russes intercalés dans le texte créent une complicité avec le lecteur russophone. Des notes de bas de page par contre offrent la traduction pour le lecteur francophone. Ceci dit, La Terre et le ciel de Jacques Dorme et Le Testament français sont très certainement les deux romans où les références directes à la langue française et sa beauté prévalent.

Cependant, Andreï Makine est résolument conscient de la beauté et des valeurs de sa langue d’adoption. Ainsi, le narrateur de La Terre et le ciel de Jacques Dorme déplore fortement la langue des banlieues qui s’échappe de la sono d’une voiture sous forme d’une chanson, souillant la pureté du français, thème repris d’ailleurs dans Cette France qu’on oublie d’aimer (commandité par Gallimard pour sa collection « Café Voltaire »). La description du « pays rêvé » culmine dans cet essai, mais le comparant au quotidien, le « pays vécu » décevant. Rédigé en quatre parties, « Certaines idées de la France », « La Forme française », « Déformation », « Voyage au bout de la France », le lecteur peut y suivre une évolution de la pensée de l’auteur fustigeant les idéaux de l’intelligentsia de « cette » France contemporaine.

Si Le Testament français forme indéniablement le point charnière de la carrière d’Andreï Makine à ce jour, il n’est nullement représentatif de son œuvre dans sa totalité. Que l’on pense à la pièce de théâtre Le Monde selon Gabriel, un monde d’où la parole est bannie, où l’on ne communique plus que par portable, où le poète est enchaîné, bâillonné, et neuf milliards d’humains cloués devant les scènes télévisuelles mimées par des comédiens, commentées par un Grand Imagier invisible : Le Choc des civilisationsLe Palmarès des victimesLa Révolution culturelle. Une globalisation manipulant les consciences, transformant les hommes en zombies accueillant la dictature douce du flux ininterrompu des informations formatées. Une antilope – symbole récurrent de l’imaginaire makinien et empaillée cette fois – accompagne les acteurs du drame, un chef-d’œuvre d’équilibre miraculeusement établi grâce à une écriture qui régit les codes et règles tacites d’une collectivité qui ressemble fortement à ce que pourrait devenir (ou est peut-être déjà) la nôtre. Cette pièce novatrice est plus qu’une parodie ou une satire, c’est une réflexion sur notre société, nos démarches, nos émotions et nos choix. Ou encore L’Amour humain d’où la France est totalement absente, mais la Russie et la propagande soviétique y remplissent un rôle proéminent.

Néanmoins, le Goncourt et sa réception, reste le plus commenté à ce jour. La critique concentrée sur ce roman, s’est principalement penchée sur les éléments – supposés – autobiographiques : la grand-mère en figure de proue. Cela est tout à fait compréhensible si l’on prend en considération l’origine russe de Makine. Peu de chercheurs, cependant, ont fait l’effort de contrôler les dires de l’auteur et d’approfondir, par exemple, la langue d’écriture des premiers romans. Dans la plupart du temps, une reprise intégrale des articles parus dans les medias – tous plus sensationnels les uns que les autres – a suffi ; Makine par sa stature et son accent se prêtant volontiers à la naissance d’une légende. Ainsi la critique a-t-elle fait régulièrement l’amalgame entre l’auteur et ses narrateurs, sujets à cette oscillation entre deux cultures, répétant inlassablement la sempiternelle question “Qui suis-je ?” La tentative d’y répondre par l’écriture se retrouve chez la plupart des personnages principaux, qui sans être toujours écrivains, écrivent une fois en exil à l’Ouest. Malgré tout, sa grande maîtrise du français a valu à l’auteur de rallier tous les suffrages de cette même critique le comparant à un « Proust russe » ou à un « Tolstoï français ».

Andreï Makine a aussi publié plusieurs romans sous le pseudonyme de Gabriel Osmonde. Cela lui permet de faire passer un autre message dans un tout autre style. Selon Gabriel Osmonde, la littérature pourrait changer le monde si les humains devenaient plus conscients de leur « troisième naissance ».

Murielle Lucie Clément

Bibliographie :

Andreï Makine

– La Fille d’un héros de l’Union soviétique, Paris, Robert Laffont, 1990

– La Prose de I. A. Bounine, Poétique de la nostalgie, thèse de doctorat, Paris IV, 1991

– Confession d’un porte-drapeau déchu, Paris, Belfond, 1992

– Au temps du fleuve Amour, Paris, Éditions du Félin, 1994

– Le Testament français, Paris, Mercure de France, 1995, (Prix Goncourt, Prix Médicis et Prix Goncourt des Lycéens)

– Le Crime d’Olga Arbélina, Paris, Mercure de France, 1998

– Requiem pour l’Est, Paris, Mercure de France, 2000

– La Musique d’une vie, Paris, Éditions du Seuil, 200, (Grand Prix RTL-Lire 2001)

– La Terre et le ciel de Jacques Dorme, Paris, Mercure de France, 2003

– La Femme qui attendait, Paris, Éditions du Seuil, 2004

– Cette France qu’on oublie d’aimer, Paris, Flammarion, coll. Café Voltaire, 2006

– L’Amour humain, Paris, Éditions du Seuil, 2006

 Le Monde selon Gabriel,  Monaco, Éditions du Rocher, 2007 (Théâtre)

– La Vie d’un homme inconnu, Paris, Seuil, 2009

– Le Livre des brèves amours éternelles, Paris, Seuil, 2011

Une femme aimée, Paris, Seuil, 2013

Gabriel Osmonde :

– Le Voyage d’une femme qui n’avait plus peur de vieillir, Albin Michel, 2001

– Les 20.000 Femmes de la vie d’un homme, Albin Michel, 2004

– L’Œuvre de l’amour, Pygmalion, 2006

– Alternaissance, Pygmalion, 2011

http://salon-litteraire.com/fr/andre–makine/content/1811928-andrei-makine-biographie

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